Le Père Mathurin
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Billet "Le père Mathurin" publié dans le journal local "La Renaissance" du 26/01/1991.

RIEN Dze sais pas si vos connaissi l'Mile : aul a passé pas loin de quarante ans à la Coopérative de Tçarolles, alors vos pensi ben qu'aul a entendu causi du patois de totes les acabies.
RIEN Et vu qu'aul avot pas ses oreilles dans sa potce et qu'y est pas un beurdin, aul a pensi que si au peurnot le temps d'y écrire, y servrot comme qui dirot d'pense-bête à tous cté-là qu'aimant not'chti pays apeu qu'sant contents d'se rapp'ler la façon d'causer vé nos. C'ment çà, y pourrant se r'mett' dans l'bain en quatrième vitesse, ran qu'en euvrant son chtit dictionnaire.
RIEN Et comme au dit, l'Mile, si vos trovi qu'y'en manque, craigni pas d'prend' vot pieume apeu d'li dère : aul y radzout'ra. Vos r'marqu'rez p'têt'ben éto des affaires que vos é pas l'habitude d'app'ler c'ment çà : y s'ra qu'le patois d'vot' coin est pas t't'fait l'même, apeu y'est tout.

RIEN Mais y'est djustement à cause que y'est pas si facile que çà qu'y fallot qu'aul le faye, çtu chtit bouquin.
RIEN Dans l'temps, de Tçarolles à Dzib-yes, les nouvelles allaint pas si vite qu'à ç't'heure, la façon d'causer tçandzot l'long d'la route, ç-tu là qu'entendot pas trop bié répétot aut'çouse, apeu y'étot fait…
RIEN Audzord'heu qu'tot l'monde passe des heures d'vant la télé quasiment tos les dzeus, nos écoutant partout au même moment les mêmes affaires. Et si y'est des conn'ries, y'est du pareil, nos y avalant to d'la même façon, autant qu'nos sont…mais y'est pas ç'que nos rend plus fins qu'dans l'temps, çà y'est cheur…
RIEN Tout çà p'vos dère qu'à partir de c'te s'maine, la R'naissance va publier l'boulot du Mile en ch'tits mocheaux : y vos laiss'ra l'temps d'y déguster comme y faut.
RIEN Apeu surtout y seur'vra à rév'lli vot'patois, et çà, y vos f'ra point d'mau…
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La Planche aux Chèvres
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Histouère de la Pi'intse é tcheuvres

RIEN L'chti pan qu'traverse la Smence entremé Tsapendé à peu l'meulin d'Arteu au R'plat. Mais guère de monde cognaitsant à cause qu'au s'appelle c'ment çà, achteure qu'aul a été fait en piarre pi en mortché. Mais dans chtu temps là, yéto eune chtite pi'intse d'un pid de lardze qu'nous pouyo pas passer deux à côté l'un de l'autre.
Histoire de la Planche aux Chèvres (1)

RIEN Le petit pont qui traverse la Semence (2) entre Chapendy (3) et le moulin d'Artus (4) aux Replats (4). Peu de personnes savent pourquoi il s'appelle ainsi, maintenant qu'il est construit en pierres cimentées. Dans ce temps là, c'était une petite planche d'un pied de large sur laquelle on ne pouvait pas passer à deux de front.
RIEN L'conte qu'est vrai, y s'est passé en 1815. Y'est le cadet Vézand d'Tsaugne qu'en est l'héro.

RIEN Cette histoire authentique s'est passée en 1815. C'est le fils cadet Vézand de Chaugne (3) qui en est le héros.

RIEN Au rentro d'la guerre après avoir fait totes les campagne de Napoléon. Après Waterloo, au rentro vé lu, ptot les faux t'smins, pe pas s'foutre dans les pattes des autrichiens qu'occupint to l'pays . Au rev'no don des Flandres après ava traversé la Champagne et le Bourgogne. Après Saint Bonnet, La Veurnée, aul'arrivo vé la fameuse pi'intse qu'aul étot en train d'mettre le pi d'sus, mais v'là que d'laute côté y'avo eune bande de t'cheuvres, le boquin avec son potchon d'travio qu'éto l'peurmé. Y'étin à la mère Sillon à peu la ptchète Couly qu'les avo mené en tsamp dans les communaux d'la Corne au Meurdzi Piat. Y'arrive t'y pas l'tsin du Poulitte Biron qu'corro après un lapin. L'boquin a ézu peu, un coup d'tête dans l'ventre du cadet qu'éto au miyeu d'la pi'intse, et mon homme patatraque l'cul dans y'eau dsus les piarres.

RIEN Il rentrait de la guerre après avoir fait toutes les campagnes de Napoléon. Après Waterloo, il retournait chez lui par les chemins détournés pour ne pas se mettre dans les pattes des autrichiens qui occupaient tout le pays. Il revenait donc des Flandres après avoir traversé la Champagne et la Bourgogne. Après Saint Bonnet de Joux, la Vernée (5), il arrivait vers la fameuse planche qu'il était en train de franchir. Mais voilà que de l'autre côté se trouvait un troupeau de chèvres, le bouc avec son entrave de travers était le premier. Elles appartenaient à la mère Sillon et la jeune Couly les avait menées en champ dans les terrains communaux de la Corne d'Artus (6) au Murger Plat. Arrive brusquement le chien d'Hypolitte Biron qui poursuivait un lapin. Le bouc a eu peur et a donné un coup de tête dans le ventre du cadet qui se trouvait au milieu de la planche, et notre homme "patatrac" se retrouve le derrière dans l'eau sur les pierres.

RIEN Y'a to fait d'li dègougni un bré. Y'est pas fort, après ava fait totes les guerres d'l'empire, passé la Bérézina sans eune écortseure , s'faire amotsi, lu qu'il li resto qu'une lieue à faire après Tsapendé, Valnot, a peu Pommé d'vant qu'd'arriver à Tsaugne. Y'est ben loin d'la bravoure du pan d'Arcole.

RIEN Cà lui a démis un bras. C'est pas fort ! après avoir fait toutes les guerres de l'empire, passé la Bérézina sans une écorchure, se faire ainsi amocher, lui à qui il ne restait qu'une lieue à faire après Chapendy, Val Noue (7) et Pommier (3) avant d'arriver à Chaugne ! C'est bien loin de la bravoure du pont d'Arcole !

RIEN V'la la légende d'laz pi'intse é tcheuvres qu'a été raconté dépeu cent quatre vingt cinq ans. RIEN Voilà la légende de la Planche aux Chèvres qui est racontée depuis 185 ans .
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(1) Petit pont sur la Semence à Chapendy.
(2) Rivière prenant sa source au col des Vaux à Verosvres, puis passant Beaubery, Vendenesse les Charolles et confluant avec l'Arconce à Charolles.
(3) Hameau de Vendenesse les Ch.
(4) Hameau de Beaubery.
(5) Hameau de Saint Bonnet de Joux.
(6) La Corne est la ruine d'un donjon médiéval d'Artus.
(7) Forêt eu nord de Beaubery.
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Souvenir d'une Veillée Mouvementée
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RIEN Y'éto vé les anhnées vingt cinq, le fils -l'ancien tcheulé d'la Vavre- s'en v'ni veilli avec sa feune, la Génie, apeu leu feuille, la Guite. Y'éto la rendue. Nos avins été vé z'eu la fin d'l'anhnée passée.

RIEN Cà se passait vers les années 1925, celui qu'on appelait " le fils ", l'ancien tuilier de la Vaivre, était venu veiller avec sa femme Eugénie et leur fille Marguerite. C'était la rendue (1). Nous étions allés chez eux l'année précédente.
RIEN L'temps m'deuro qui z'arrivint pas. To p'un coup les v'là. Nous les entend chapter p'la co, posant leu chabots à la pôrte vé l'potadzi.

RIEN J'étais impatient de les voir arriver. Soudain, les voilà ! On les entend marcher bruyamment dans la cour, puis ils vont poser leurs sabots à la porte près du réchaud à bois.
RIEN "Chtez vo l'tour du pouèle, mettez voté pi su la tablette ou dans l'fornio si vous ai fré.
RIEN Asseyez vous près du poêle, mettez vos pieds sur la tablette (2) ou dans le four si vous avez froid.
RIEN Et n'y v'là parti su la guerre, de Ham à la forêt de Paroy -des histouères à faire des livres, évacuation des blessés, entendues cent coups. Avec men père, au l'éto d'la classe 93, l'aute d'la 94 et trop vieux, y z'avint été veursés dans les territoriaux.

RIEN Et voilà la conversation partie sur la guerre, de Ham à la forêt de Paroy, des histoires à écrire des livres, évacuation des blessés, entendues cent fois. Avec mon père, il était de la classe 93, l'autre était de la classe 94 et, trop vieux, ils avaient été versés dans les territoriaux .

RIEN Un moment après, ma mère a mis les tsateugnes su l'fu, apeu le mieux, y'est l'saucisson qu'cueillot à ptché fu, qu'envio un goût à faire baver un tsin tellement qu'y chintot bon.

RIEN Un moment après, ma mère a mis les châtaignes sur le feu, mais le meilleur, c'était le saucisson qui cuisait à petit feu et qui envoyait une odeur à faire baver un chien tellement çà sentait bon.
RIEN Mais v'là ti pas qu'd'un coup, le gros tsin na se manque avec le gros matou gris, qu'étint coutsi d'so l'pouèle , et à coup de dents a peu d'griffes. L'coyer du tsin s'prend dans n'un boulon qu'bridot l'pouèle et le v'là parti avec l'garlot su l'dos p'la maijon, les teuyaux san d'sus d'sos, un gros feurdzin, les deux casseroles renveursées qu'fan eune femère autant qu'eune chaudgère.

RIEN Mais d'un seul coup, voilà-t-il pas que le gros chien noir se querelle avec le gros matou gris - tous deux couchés sous le poêle - à grands coups de dents et de griffes. Le collier du chien s'accroche dans un boulon qui tenait le poêle, et le voilà parti avec sa chaudière sur le dos à travers la maison, les tuyaux sens dessus dessous, à grands bruits, les deux casseroles renversées qui font de la fumée comme une chaudière.
RIEN Men père a arrêté l'tsin à grands coups d'chabot su l'crâne, à la pôrte d'la maijon.
RIEN Mon père a arrêté le chien à grands coups de sabot sur le crâne, à la porte de la maison.
RIEN Après la peu passée, y'a fallu to mettre en piesse, y fallo prendre des m'tinhnes pe pas s'breuler les das, apeu balier la cheurre sus les carreaux.
RIEN La peur passée, il a fallu tout mettre en place, il fallait prendre des gants pour ne pas se brûler les doigts, et balayer la cendre sur les carreaux.
RIEN C'ment y'éto à peu près queu, nous s'sen mis à tabye c'ment si y'avo ren ézu. Y'avo minhme pas enl'vé l'appétit. Après l'fromadze, l'café, la goutte a peu ma fois, à l'arvoyeure et à l'anhnée qu'vint ! RIEN Comme c'était à peu près cuit, nous nous sommes mis à table comme s'il n'y avait rien eu. Tout çà n'avait même pas enlevé l'appétit. Ensuite vint le fromage, le café et l'eau de vie, et puis ma foi, au revoir et à l'année prochaine !
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(1) Invitation en retour d'une précédente. (2) Petits bancs utilisés comme reposes-pieds.
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Copyright 2003-2004 © Emile Bonnot