
Les trente six années (1945-1981) que j'ai passées à la gérance de la
Coopérative Agricole de Charolles
(actuellement AC2B) m'ont permis de découvrir toute la richesse, et surtout les variétés locales de ce parler.
J'ai pu ainsi constater que le patois de la région de Charolles n'est pas homogène,
mais composé de deux variantes qui seront distinguées dans ce document de deux façons différentes
A et B (voir Localisation).

Le critère principal de différenciation entre ces deux zones est le vocabulaire :
à titre d'exemple une poussinière s'appellera "
peurson" en
zone A et "
piounire" en
zone B
(du verbe
piouner = pleurer).
La prononciation évolue également d'une zone à l'autre :
le mot fourmilière se prononcera "
manzouéré" en
zone A, et "
manzouari" en
zone B.

La
zone A correspond au Charolais de la plaine, calcaire et argileux, pays du "terrain gras" qui,
en terme d'élevage, est traditionnellement le pays engraisseur (ou pays d'embouche).
La
zone B correspond aux Monts du Charolais granitiques, pays du "terrain de sable" plus pauvre :
c'est traditionnellement, le pays naisseur du Charolais.

L'évolution du parler en Charolais est donc liée à la géographie économique,
dépendante elle-même de la géographie physique :
la lecture de la carte de
localisation montre que
les frontières linguistique et géologique sont parfaitement superposables.

Cette région de la Bourgogne du sud est située dans la partie septentrionale du pays d'oil
(qui se distingue par ses toits pentus couverts de tuiles plates) et
au voisinage du pays d'oc avec ses toits plus plats couverts de tuiles creuses.

Le Professeur Gérard Taverdet de l'université de Dijon a publié en 1980
"Les patois de Saône et Loire - Géographie phonétique de la Bourgogne de Sud" (éditeur : Association de dialectologie et d'onosmatique)
correspondant à la publication de sa thèse de doctorat d'état.
En ce qui concerne la forme des patois,
il situe le Charolais dans la zone de transition entre les régions franco-provençale et bourguignonne.
La région franco-provençale, d'influence latine, comprend le Maconnais, la Bresse louhanaise,
la Bresse proprement dite et le Revermont alors que la région bourguignonne,
d'influence germanique, comprend le Bourbonnais, le Morvan-Autunois,
la dépression Dheune-Bourbince (autrement dit le tracé du canal du centre),
le Chalonais (ou Chaunois) et la Bresse chalonaise.
La zone de transition comprend -outre le Charolais- le Brionnais et les régions de Cluny et
de Matour (voir
localisation).
Le "
manzouéré" cité plus haut est donc d'affinité bourguignonne (langue d'oil) alors que le "
manzouari" est d'affinité franco-provençale (langue d'oc).

Il est à noter que le présent document correspond à une liste de mots explicités du vocabulaire charolais,
alors qu'à l'inverse, l'ouvrage de G. Taverdet s'intéresse -à une échelle évidemment plus large et
avec le savoir du spécialiste- essentiellement à l'évolution des sonorités dans les patois régionaux et
accessoirement au vocabulaire, pour en tirer des interprétations historiques et linguistiques.

La limite nord-sud des parlers charolais et clunysois de G. Taverdet
(voir localisation)
correspond à la limite
zone A -
zone B définie dans ce lexique,
mais décalée de quelques kilomètres plus à l'est.